2a Asembleia de Jovenes da Via Campesina
Via Campesina 2nd Youth Assembly
2a Asamblea de Jovenes de la Via Campesina
2e Assamblee des Jeunes de Via Campesina

Tuesday, October 21, 2008

6.30, des grognements, des sandales qui crissent dans la poussière, on tousse, on s’ébroue.
Une dame à moitié habillée se peigne longuement. Les beaux cheveux noirs se torsadent sous ses doitgts rugueux. L’élégance bolivienne est matinale. Bienvenue beauté.
Chacun à son rythme émerge de la nuit partagée.
Le déjeuner est servi à l’école industrielle de Matola.
Le café, c’est du Nestlé, et les végétaliens ne mangeront que du pain.
Les premiers bus stationnent devant l’entrée.

On s’assied au hasard, se sourit, on connaît déjà le paysage par cœur.
Les rues sableuses, avec leurs hauts trottoirs de béton. Les enfants à moitié nus ou habillés pour l’école qui dévalent en grappes. Leurs maisons sont faites de palissades de roseaux et leurs mères balaient consciencieusement le carré de sable qui est leur jardin. Ce n’est pas très ordonné, mais c’est propre, et on sent la fraîcheur du vent.
Plus loin, les maisons sont en béton. Celles qui s’agglutinent au long de la route.
Nous croisons la nationale qui mène à Maputo. On roule à gauche, au Mozambique.
Entre les deux bandes de circulation, un arbre, un homme couché et 12 oiseaux dans une grande cage. Si ce n’étaient les voitures ce serait un poème.

L’école du parti FRELIMO est un énorme bloc de 5 étages conçu pour jouer avec le vent. Un mur l’entoure, que nous franchissons par une porte gardée. Le stratège, c’est d’arriver encore assez tôt que pour reprendre un café au restaurant. Que l’on boit alors de préférence en haut des marches d’escalier par où transitent tous nos compañeros. Ainsi, on dit « bonjour » à Bangna, qui est du Niger. Son indécollable sourire et son ample chemise lui donnent un air nomade. Lorsque Javier grimpe les marches 4 à 4, il accroche à peine un « Buenos dias ». Cet homme là est en avance sur son temps ! Arkom arrive enfin, et c’est un « Good morning » spontané qui l’accueille. Il nous offre des cadeaux thai. Nous sommes bien gênés de n’avoir rien apporté. On sourit, c’est international !

Le mouvement de foule se fait perceptible. Quelqu’un crie « la mistica commence ».
Dans la grande salle aux draps blancs, on a repoussé toutes les chaises. Au centre, des femmes, des hommes et de la musique prennent possession de l’espace. Les gestes amples, on mime des scènes des champs, des scènes de violence, ce sont les multinationales qui nous attaquent. Tout le monde meurt sous les coups et les produits toxiques. Mais la terre vit encore. D’autres paysans, généreux, viennent nous ausculter, nous redresser. Et nous dansons tous ensemble la ronde de l’espoir.
Chacun peut alors reprendre sa place, auprès de ses compagnons de région. On ne voit, du fond, qu’une marée de casquettes et de slogans ‘soberania, ya’. Chacun sort sa petite radio, l’espagnol c’est déjà quelle fréquence ? – je sais pas, hier c’était 103.4.
Les modérateurs du jour ouvrent les palabres. Nous écouterons les témoignages de paysans africains, de leaders brésiliens, de manifestants en asie. Au-delà des mots et des origines, c’est la voix du même peuple qui s’exprime. Nous essayons de comprendre les rouages de la crise financière, comment en sommes nous arrivé là. Monsanto, Syngenta, qui volent les terres des paysans, confisquent leurs vies et leurs semences. Une poignée de pays ont pourtant inscrit la souveraineté alimentaire à la convention nationale. Si nous sommes 600 réunis sous ces draps blancs, et si nous luttons dans la même direction, quelle force ! On comprend pourquoi les visas des représentants de Via Campesina sont refusés lors des réunions de l’OMC !
Nous scandons des slogans. Les voix portent les chants, et le vent amène l’odeur du dehors. Pause. Il faut manger, il faut boire, il faut se rencontrer.

Joyeux déferlement de personnes vers le parc, lieu de toutes les amitiés. Certains commentent longuement telle ou telle graine exposée sur la table de l’échange des semences. « Qu’est-ce-que c’est ? Des haricots? » Devant la mosaïque des drapeaux, les fumeurs font leur nid.

Lorsqu’on veut manger, à Maputo, il faut prendre un ticket que vous donne une personne à droite, et que l’on doit rendre à la personne de gauche. L’efficacité maximale !
On mange du riz, de la viande, des haricots verts et un fruit, invariablement. Et c’est très bien comme ca. Le temps de midi est surtout l’occasion de faire des réunions. Sous l’amandier, on bavarde en attendant tout le monde. -Réunion des jeunes internationale-. Sur les marches des gradins, on prend une bière en attendant tout le monde. -Réunion régionale des jeunes-. Sur la terrasse, on danse un cercle circassien en attendant tout le monde. -Réunion régionale-.
On se retrouve, on reprend les réflexes appris : qui modère, qui traduit ? La démocratie est née. Le français par ici, l’anglais par là, tout le monde s’y retrouvera. La démocratie fait ses premières dents. On décline les points à l’ordre du jour (on pourrait dire « à l’ordre de l’heure »). Et la démocratie entre en adolescence : On argumente, on débat, et jusque bien tard. Tandis que dans les tentes blanches des personnes dansent sur des rythmes latinos, nous continuons à nous réunir passionnément.

Les rencontres merveilleuses, c’est Tsiri qui raconte son pays, le Madagascar. C’est Adi qui explique les études en Indonésie, c’est Pédro qui prépare ses questions sur la Belgique tandis que je prépare les miennes sur le Mozambique, c’est Logan qui raconte la violence de la police aux Etats-Unis. C’est aussi Edwin qui apprend à jongler en moins de temps qu’on boit un café, et c’est Hortense qui chante tout le jour « Ooo Yayaho, bukia katelemukembu yayaho ».

Lorsque la nuit se lève sur Maputo, on a envie de prolonger. De parler encore, d’étreindre encore, de danser encore. Des idées pour la tête, des rythmes pour les pieds et des bras pour l’âme, Maputo décuple nos énergies. On voudrait marcher dix kilomètres pour laisser retomber nos idées et émotions, ou bien rentrer dans nos pays et taper du pied sur la fourmilière.

No comments: